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de quel côté est ou sera le droit ; en langage un peu plus philosophique, comme si les deux peuples, également convaincus que la raison du plus fort est ici la meilleure, voulaient, par un acte préalable de religion, exciter en eux la force morale, si nécessaire au triomphe de la force physique. Les prières qui se font de part et d’autre pour obtenir la victoire, et qui scandalisent notre société aussi inintelligente de ses origines qu’ignoble dans son incrédulité, sont tout aussi rationnelles que les plaidoiries contradictoires débitées par les avocats pour préparer les sentences des tribunaux. Mais, tandis qu’ici le jugement est simplement énonciatif du droit, on peut dire, toujours en se plaçant au point de vue des masses, que la victoire est productrice du droit, le résultat de la guerre étant de faire précisément que le vainqueur obtienne ce qu’il demandait, non pas seulement parce que, avant le combat, il avait droit, en raison de sa force présumée, de l’obtenir, mais parce que la victoire a prouvé qu’il en était réellement digne. Otez cette idée de jugement que l’opinion attache invinciblement à la guerre, et elle se réduit, selon l’expression de Cicéron, à un combat d’animaux : ce que la moralité de notre espèce, moralité qui n’éclate nulle part autant qu’à la guerre, ne permet pas d’admettre.

En effet, les actes qui chez toutes les nations précèdent, accompagnent et suivent les hostilités, démontrent qu’il y a ici autre chose que ce qu’y ont vu les légistes. Que signifierait, d’abord, cette expression, aussi vieille que le genre humain, commune à toutes les langues, répétée par tous les auteurs dont elle fait le tourment, de droit de la guerre ? Est-ce que le peuple qui crée les langues, nomme autre chose que des réalités ? Est-ce qu’il ne parle pas de l’abondance de ses sentiments comme de ses sensations ? Est-ce que c’est lui qui invente les fictions légales ? Est ce