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tius, en un mot, ainsi que Cicéron, subit la guerre comme une extrémité douloureuse, dépourvue de toute valeur juridique, et dont la responsabilité incombe à celui qui l’entreprend ou qui la provoque injustement.

Pufendorf abonde dans le même sens : « La paix est ce qui distingue l’homme des bêtes. »

Vattel se range au même avis : « La guerre, dit-il, est cet état dans lequel on poursuit son droit par la force. » Ce n’est donc pas un jugement. Dans le droit civil, on poursuit son droit, comment ? Par devant les tribunaux ; et c’est après avoir obtenu sentence du juge, que l’on en vient, s’il est nécessaire, aux moyens de rigueur, la saisie, l’expropriation forcée, la visite domiciliaire, la vente à l’encan, le garnisaire, le mandat d’arrêt, etc. La guerre, au contraire, d’après la définition de Vattel, se réduisant aux seuls moyens de rigueur, sans jugement préalable, est tout ce qu’il y a de plus opposé à la justice. C’est, comme nous le disions tout à l’heure, un effet de l’absence de justice et d’autorité internationale. Du reste, Vattel, comme Grotius, admet le principe que, si la guerre est juste d’un côté, elle est nécessairement injuste de l’autre, et il conclut en rejetant sur l’agresseur ou le défendeur injuste la responsabilité du mal commis, de quelque côté du reste que se tourne la fortune des armes.

Le commentateur de Vattel, Pinheiro-Ferreira, acceptant, au fond, le sentiment de son chef de file, mais s’attachant davantage au caractère de la poursuite, définit la guerre : « L’art de paralyser les forces de l’ennemi. » D’autres avant lui avaient prétendu que la guerre est « l’art de détruire les forces de l’ennemi. » Or, qu’il s’agisse de détruire les forces de l’ennemi, ou simplement de les paralyser, ce qui est moins inhumain, il est clair que nous sommes toujours dans un état extra-judiciaire. Pour Pinheiro comme pour Vattel et Grotius, il n’est toujours