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Tous les peuples affirment un droit de la guerre, c’est-à-dire un droit résultant de la supériorité de la force, droit que la victoire déclare et sanctionne, et qui, par cette sanction et déclaration, devient aussi légitime dans son exercice, aussi respectable dans ses résultats que le peut être tout autre droit, la liberté, par exemple, et la propriété. Tous les peuples affirment en conséquence la légitimité de la conquête, accomplie dans les conditions voulues et selon les formes prescrites ; ils l’affirment, dis-je, avec la même énergie que le travailleur affirme son droit au produit.

Lorsque l’universalité du genre humain dit une chose, il vaut toujours la peine que la philosophie s’en préoccupe ; c’est ce qu’on n’a jamais manqué de faire, à propos de la religion, de la famille, du gouvernement. Dans l’ordre des choses morales, le consentement universel, si ses propositions ne sont pas toujours claires, a toujours passé pour l’indice d’une haute raison, sinon pour l’expression même de la raison.

Or, une chose qui frappe tout d’abord à la lecture des écrivains qui ont traité de la guerre, Grotius et Vattel, par exemple, c’est la contradiction radicale qui existe entre l’opinion de ces savants jurisconsultes et le sentiment unanime des peuples. Grotius d’abord et son traducteur Barbeyrac, Wolf ensuite et Vattel, abréviateur de Wolf ; Pinheiro-Ferreira, annotateur de Vattel ; Burlamaqui et son continuateur de Felice ; Kant et son école ; Martens et son éditeur M. Vergé ; de même que Pufendorf, Hobbes et la multitude des juristes catholiques, protestants, philosophes, nient la réalité d’un droit de la guerre. Ce qu’ils entendent par cette expression n’est nullement ce que le sens naturel des mots indique, et que partout le bon sens populaire proclame : Droit de la guerre, comme on dit, Droit du travail. Droit de l’intelligence, Droit de