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gitimement leur produit : il faudrait payer ce salaire double, triple, décuple, ou bien rendre à chacun d’eux tour à tour un service analogue.

La force collective, voilà donc encore un principe qui, dans sa nudité métaphysique, n’en est pas moins producteur de richesse. Aussi le trouve-t-on appliqué dans tous les cas où le travail individuel, répété autant de fois qu’on voudra, resterait impuissant. Aucune loi, cependant, ne prescrit cette application. Il est même à remarquer que les utopistes sociétaires n’ont nullement songé à s’en prévaloir. C’est qu’en effet la force collective est un acte impersonnel, l’association un engagement volontaire ; entre l’un et l’autre il peut y avoir rencontre, il n’y a pas identité.

Supposons encore, comme dans le cas précédent, que la société travailleuse ne se compose que d’ouvriers isolés, ne sachant point à l’occasion combiner et masser leurs moyens : l’industriel qui viendrait tout à coup leur apprendre ce secret, ferait plus à lui seul pour le progrès des richesses que la vapeur et les machines, puisque seul il rendrait possible l’emploi des machines et de la vapeur. Ce serait un des plus grands bienfaiteurs de l’humanité, un révolutionnaire véritablement hors ligne.

Je passe sur d’autres faits de même nature, que je pourrais également citer, tels que la concurrence, la division du travail, la propriété, etc., et qui tous constituent ce que j’appelle des forces économiques, des principes producteurs de réalité. On trouvera au long la description de ces forces dans les ouvrages des économistes, qui, avec leur absurde dédain de la métaphysique, ont démontré, sans s’en douter, par la théorie des forces industrielles, le dogme fondamental de la théologie chrétienne, la création de nihilo.