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crie à la dilapidation tant qu’on voudra, je ne croirai jamais qu’une création de 32,500 fonctionnaires n’ait été qu’un acte de gaspillage. Quel intérêt le roi, les ministres, tous les individus antérieurement placés et dotés y avaient-ils ? N’est-il pas plus juste de dire que l’agitation des classes laborieuses devenant avec le temps plus redoutable, et conséquemment le péril pour la classe privilégiée toujours plus grand, le pouvoir, la force qui réprime et protége, devait se fortifier d’autant, à peine de se voir renversée au premier moment ?

L’examen des budgets de la guerre et de la marine confirme cette opinion.

De 1830 à 1848, — j’emprunte ce détail au journal Europe et Amérique, — les budgets réunis de la marine et de la guerre se sont progressivement élevés, du chiffre de 323,980,000 à celui de 535,837,000 fr. La moyenne annuelle a été de 420 millions ; la moyenne d’accroissement de 12 millions. Le total général, pour dix-huit ans, est 7,554 millions.

Dans la même période, le budget de l’instruction publique a monté de 2,258,000 à 19,298,000 fr. Le total général est 232,802,000 fr. Différence avec le budget de la guerre, 7,321,198,000 fr.

Ainsi, tandis que le Gouvernement dépensait 13 millions en moyenne pour entretenir sous le nom d’instruction publique l’ignorance populaire, il dépensait 420 millions, trente-deux fois autant, pour contenir, par le fer et le feu, cette ignorance, si la rage de la misère venait à la faire éclater. C’est ce que les politiques du temps ont nommé la paix armée. Le même mouvement s’est manifesté dans les autres ministères, je veux dire que leur budget s’est toujours accru en raison directe des services qu’ils rendaient à la cause