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Croit-on qu’au lieu de rétablir les justices seigneuriales et les parlements sous d’autres noms et d’autres formes, de refaire l’absolutisme en le baptisant du nom de Constitution, d’asservir les provinces comme auparavant, sous prétexte d’unité et de centralisation ; de sacrifier de nouveau toutes les libertés, en leur donnant pour compagnon inséparable un prétendu ordre public, qui n’est qu’anarchie, corruption et force brutale ; croit-on, dis-je, qu’ils n’eussent acclamé le nouveau régime, achevé la révolution, si leur regard avait pénétré dans cet organisme que leur instinct cherchait, mais que l’état des connaissances et les préoccupations du moment ne leur permettaient pas de deviner ?…

Ce n’est point assez que la société actuelle, par la déviation de ses principes, tende incessamment à appauvrir le producteur, à soumettre, chose contradictoire, le travail au capital ; elle tend encore à faire des ouvriers une race d’ilotes, inférieure, comme autrefois, à la caste des hommes libres ; elle tend à ériger en dogme politique et social l’asservissement de la classe laborieuse et la nécessité de sa misère.

Quelques faits, choisis entre des milliers, nous dévoileront cette tendance fatale.

De 1806 à 1811, suivant M. Chevalier, la consommation annuelle du vin, à Paris, était de 170 litres par personne : elle n’est plus que de 95. Supprimez les droits qui, avec les frais accessoires, ne vont pas à moins de 30 à 35 c. par litre chez le détaillant ; et la consommation remontera de 95 litres à 200 ; et le vigneron, qui ne sait que faire de ses produits, les pourra vendre. Mais il faudrait, pour atteindre ce but, ou réduire le budget, ou reporter l’impôt sur la classe riche ; et comme ni l’un ni l’autre ne paraît prati-