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se feraient à peine sentir ; ils n’existeraient même pas. N’est-il pas sensible que la tendance de la société est au mal, à la misère, et cela, non par la faute des hommes, mais par l’anarchie de ses propres éléments ?

On dit que c’est abuser de la dialectique ; que les capitaux, la terre, les maisons ne se peuvent louer pour rien ; que tout service doit être payé, etc. — Soit. Je veux croire que la prestation d’une valeur, de même que le travail qui l’a créée, est un service qui mérite récompense. Dès qu’il s’agit du bien d’autrui, j’aime mieux outre-passer le droit que de rester en deçà : mais cela change-t-il le fait ? Je soutiens que le crédit est trop cher ; qu’il en est de l’argent comme de la viande, que le préfet de police nous fait livrer aujourd’hui à 15 et 20 centimes meilleur marché que chez les étalagistes ; comme des transports qu’on aurait à 80 p. % au-dessous des cours, si les chemins de fer et la navigation savaient ou pouvaient faire jouir le Pays de leurs immenses moyens. Je dis qu’il serait possible, facile, de faire baisser le prix du crédit de 75 à 90 p. %, sans faire tort aux prêteurs, et qu’il ne tient qu’à la nation et à l’État que cela soit. Qu’on n’argumente donc plus d’une prétendue impossibilité juridique. Il en est des droits seigneuriaux des capitalistes comme de ceux des nobles et des couvents : rien de plus aisé que de les abolir ; et je le répète, il faut, pour le salut même de la propriété, qu’ils soient abolis.

Croit-on que les révolutionnaires de 89, 92, 93, 94, qui portèrent avec tant d’ardeur la cognée sur le tronc féodal, n’en eussent extirpé jusqu’aux moindres racines, s’ils avaient prévu qu’à l’ombre de leur équivoque gouvernementalisme, elles allaient pousser de pareils rejetons ?