Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.

corps social ne soit en péril. S’il est une institution qui, après l’abrogation des droits féodaux et le nivellement des classes, se recommandât avant toute autre aux législateurs, assurément c’était le crédit. Eh bien ! aucune de nos déclarations de droits, si pompeuses ; aucune de nos constitutions, si prolixes sur la distinction des pouvoirs et les combinaisons électorales, n’en a parlé. Le crédit, comme la division du travail, l’application des machines, la concurrence, a été abandonné à lui-même ; le pouvoir financier, bien autrement considérable que l’exécutif, le législatif et le judiciaire, n’a pas même eu l’honneur d’une mention dans nos différentes chartes. Livré, par un décret de l’empire du 23 avril 1803, à une compagnie de traitants, il est resté jusqu’à ce jour à l’état de puissance occulte ; à peine si l’on peut citer, en ce qui le concerne, une loi de 1807, laquelle fixe le taux de l’intérêt à cinq pour cent. Après comme avant la révolution, le crédit s’est comporté comme il a pu, ou, pour mieux dire, comme il a plu aux détenteurs en chef du numéraire. Du reste, il est juste de dire que le gouvernement, en sacrifiant le pays, n’a rien réservé pour soi ; comme il faisait pour les autres, il a fait pour lui-même : à cet égard nous n’avons rien à lui reprocher.

Qu’est-il résulté de cette incroyable négligence ?

D’abord, que l’accaparement et l’agiotage, s’exerçant de préférence sur le numéraire, qui est à la fois l’instrument des transactions industrielles, et la marchandise la plus recherchée et conséquemment la plus productive et la plus sûre, le commerce de l’argent s’est rapidement concentré aux mains de quelques monopoleurs, dont l’arsenal est la Banque ;

Que dès lors le Pays et l’État ont été inféodés à une coalition de capitalistes ;