Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mité de Salut public, passa en dogme chez les jacobins, qui le transmirent à l’empire et aux gouvernements venus à la suite. Telle est la tradition malheureuse qui a déterminé, en 1848, la marche rétrograde du Gouvernement provisoire, et qui fait encore à ce moment toute la science, qui alimente toute la politique du parti républicain.

Ainsi, l’organisation économique, qu’appelait comme conséquence nécessaire l’abolition définitive de la féodalité, ayant été dès le premier jour laissée sans direction ; la politique reprenant, dans toutes les têtes, le pas sur l’industrie ; Rousseau et Montesquieu donnant l’exclusion à Quesnay et Adam Smith : il dut s’ensuivre que la nouvelle société, à peine conçue, demeurât à l’état embryonnaire ; qu’au lieu de se développer dans l’économie, conformément à sa loi, elle languît dans le constitutionnalisme ; que sa vie fût une contradiction perpétuelle ; qu’à la place de l’ordre qui lui est propre, elle offrît partout corruption systématique et misère légale ; enfin que le pouvoir, expression de cette société, reproduisant dans son institution, avec la fidélité la plus scrupuleuse, l’antinomie des principes, se trouvât dans le cas de combattre toujours la nation, et la nation dans la nécessité de frapper sans cesse le pouvoir.

En résumé, la Société que devait créer la Révolution en 89 n’existe pas : elle est à faire. Ce que nous avons eu depuis soixante ans n’est qu’un ordre factice, superficiel, couvrant à peine l’anarchie et la démoralisation la plus épouvantable.

Nous ne sommes point accoutumés à chercher si avant les causes des perturbations sociales et des Révolutions. Les questions économiques surtout nous répugnent : le peuple, depuis la grande lutte de 93, a été