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grand’peine que la première ; l’autre a été complètement oubliée. De là cette espèce d’impossibilité de vivre, qui travaille la société française depuis 60 ans.

Ainsi, le régime féodal ayant été aboli dans la nuit du 4 août, le principe de la liberté et de l’égalité civile proclamé, la conséquence était qu’à l’avenir la société devait s’organiser, non plus pour la politique et la guerre, mais pour le travail. Qu’était-ce, en effet, que l’organisation féodale ? une organisation toute militaire. Qu’est-ce que le travail ? la négation du combat. Abolir la féodalité, c’était se condamner à une paix perpétuelle, non-seulement au dehors, mais au dedans. Par ce seul acte, toute la vieille politique d’État à État, tous les systèmes d’équilibre européen, étaient abrogés : la même égalité, la même indépendance que la Révolution promettait de faire régner entre les citoyens, devait exister de nation à nation, de province à province, de cité à cité…

Ce qu’il s’agissait donc d’organiser après le 4 août n’était pas le gouvernement, puisqu’en faisant du gouvernement, on ne faisait autre chose que rétablir les anciens cadres ; c’était l’économie des nations et la balance des intérêts. Puisque, d’après la loi nouvelle, la naissance ne comptait plus dans la condition du citoyen, que le travail seul était tout, que la propriété elle-même en relevait ; quant aux affaires extérieures, puisque les rapports des nations entre elles devaient se réformer d’après les mêmes principes, attendu que le droit civil, le droit public, et le droit des gens, sont identiques entre eux et adéquats : il était évident que le problème de la révolution consistait, après avoir aboli en France et en Europe le régime féodal ou militaire, à constituer partout à sa place le régime égalitaire ou industriel. Les progrès de l’agriculture qui