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la couve du regard ; elle n’échappera pas à sa convoitise. Pour acquérir cette terre, il s’est endetté, grevé d’hypothèques ; il paye au capital et à l’État je ne sais combien de centaines de millions de droits, et jusqu’à ce moment il n’a pu rien obtenir. Tous les gouvernements lui ont promis bon marché, crédit et richesse ; tous ont passé sans lui tenir parole. La République est venue, qui a achevé de le ruiner. Aussi le paysan est-il, en fait de gouvernement, profondément sceptique ; il n’a pas en politique le moindre principe, la plus mince conscience, l’opinion la plus superficielle. En 1848, il aurait-fait Louis Bonaparte empereur ; en 1852, il fera peut-être Ledru-Rollin roi. Savez-vous la cause ? c’est que le paysan est avant tout révolutionnaire ; ses idées et ses intérêts le lui commandent.

L’ouvrier est comme le paysan. Il veut le travail, l’instruction, la participation, le bon marché du logement et des subsistances. Ne prenez pas trop au sérieux ses manifestations constitutionnelles. Il crache sur les théories politiques ni plus ni moins que le paysan. Il est purement et simplement révolutionnaire, quitte à aller de Louis XVI à Mirabeau, de la Gironde à Marat, de Robespierre à Napoléon, de Cabet à Lamartine. Son histoire, trop connue, répond de ses sentiments.

Le commerçant, l’industriel, le petit propriétaire, quoique plus circonspects dans leur langage, ne prennent pas la chose d’une autre manière. Ce qu’il leur faut, ce sont des affaires, des négociations, des commandes, de l’argent à bas prix, des capitaux à longs termes, de larges débouchés et pas d’entraves, pas d’impôts. Ils appellent cela, naïfs, être conservateurs, et point révolutionnaires. C’est dans cet esprit qu’ils ont voté, en décembre 1848, pour le géné-