Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le moment qu’ils choisirent pour pousser la réaction à outrance. Non, dirent-ils, une nation n’a pas le droit de s’empoisonner, de s’assassiner. Le gouvernement a vis-à-vis d’elle charge d’âme : ses devoirs sont ceux du tuteur et du père ; il doit en exercer les droits. Le salut du peuple est la loi suprême ! Fais ce que dois, advienne que pourra !

Il fut résolu que le Pays serait purgé, saigné, cautérisé, à merci et miséricorde. Un vaste système sanitaire fut organisé, suivi avec un zèle, un dévouement, qui eussent fait honneur à des apôtres. Hippocrate, sauvant Athènes de la peste, ne parut pas plus magnanime. Constitution, corps électoral, garde nationale, conseils municipaux, université, armée, police, tribunaux, tout fut passé aux flammes. La bourgeoisie, cette éternelle amie de l’ordre, accusée d’inclinations libérales, fut enveloppée dans la même suspicion que le prolétariat. Le gouvernement alla jusqu’à dire, par la bouche de M. Rouher, qu’il ne se tenait pas lui-même pour sain, que son origine lui était une souillure, qu’il portait en soi le virus révolutionnaire : Ecce in iniquitatibus conceptus sum !… De suite, on se mit à l’œuvre.

L’enseignement laïc, né du libre examen, relevant exclusivement de la Raison, n’était pas sûr. Le gouvernement comprit qu’il était urgent de le replacer sous l’autorité de la Foi. Les instituteurs primaires, soumis aux curés, sacrifiés aux ignorantins ; les collèges communaux successivement livrés aux congrénanistes ; l’instruction publique placée sous la haute surveillance du clergé ; d’éclatantes destitutions opérées dans le professorat sur la dénonciation des évêques, annoncèrent au monde que l’enseignement, comme la presse, avait cessé d’être libre. Qu’a-t-on