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l’affirmation, pour apparaître, exige une élimination préalable. Voulez-vous faire descendre le nouveau principe, invoqué sous le nom de Paraclet par les socialistes de tous les âges, annoncé par Jésus-Christ même ? Commencez par renvoyer dans le ciel le Père Éternel. Sa présence parmi nous ne tient plus qu’à un fil, le budget. Coupez la corde : vous saurez ce que la Révolution doit mettre à la place de Dieu.

J’avoue, au surplus, qu’en ce qui touche le budget ecclésiastique, je ne comprends pas la délicatesse de certains démocrates. L’exemple de l’ancienne Constituante les paralyse. La liste civile du clergé fut réglée en 1790, pensent-ils, en remplacement des biens d’Église, vendus pour subvenir aux besoins de la nation. Supprimer le budget des prêtres, cela ne ressemblerait-il pas à une confiscation ?

Il y a là une équivoque qu’il importe de faire cesser, non-seulement à cause des intrigants qui l’exploitent, mais surtout pour les âmes timorées qui en sont dupes.

Dans les siècles de foi, alors qu’il n’existait ni centralisation ni budget, que l’argent était rare, et les biens immeubles la seule garantie de la subsistance, les prêtres reçurent de la piété des fidèles leurs propriétés, non point comme simples particuliers, mais comme ministres du culte. C’était l’institution religieuse que l’on dotait ; le corps sacerdotal n’était qu’usufruitier. Cet usufruit, il devait donc naturellement le perdre, soit lorsque l’économie publique permettrait de subvenir autrement aux frais du culte, soit dans le cas où, l’institution religieuse venant à périr, la dotation n’aurait plus de cause. En 89, l’Église avait fait comme le Pouvoir : elle s’était corrompue, et l’on commençait à n’y avoir qu’une foi médiocre. La piété du peuple croyant acheter le ciel, engraissait une multitude de