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conscience des soi-disant républicains, qui presque tous en sont encore à la profession de foi du Vicaire savoyard. Comme ces Abyssiniens, dont m’entretenait un jour le docteur Aubert, qui, tourmentés du ténia, se débarrassent d’une partie, mais en ayant soin de garder la tête, nos déistes retranchent de la religion ce qui les incommode et les choque ; ils ne voudraient, pour rien au monde, expurger le principe, source éternelle des superstitions, des spoliations et des tyrannies. Point de culte, point de mystères, point de révélations : cela leur va. Mais ne touchez pas à leur Dieu : ils vous accuseraient de parricide. Aussi superstitions, usurpations, paupérisme, repullulent sans cesse, comme les tresses du ver solitaire. Et ces gens-là prétendent gouverner la République ! Le général Cavaignac, qui par un reste de piété offrit au Pape l’hospitalité nationale, est candidat désigné à la Présidence ! Donnez donc votre fille à un homme qui porte dans son sein un pareil monstre !

Il y a plus de dix-huit siècles, un homme tenta, comme nous faisons aujourd’hui, de régénérer l’humanité. À la sainteté de sa vie, à sa prodigieuse intelligence, aux éclats de son indignation, le Génie des Révolutions, adversaire de l’Éternel, crut reconnaître un fils. Il se présenta à ses yeux et lui dit, en lui montrant les royaumes de la terre : Je te les donne tous, si tu veux me reconnaître pour ton auteur, et m’adorer. Non, répondit le Nazaréen : j’adore Dieu, et je ne servirai que lui seul. L’inconséquent réformateur fut crucifié. Après lui, pharisiens, publicains, prêtres et rois reparurent, plus oppresseurs, plus rapaces, plus infâmes que jamais, et la révolution, vingt fois reprise, vingt fois abandonnée, est restée un problème. À moi, Lucifer, Satan, qui que tu sois, démon