Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/297

Cette page a été validée par deux contributeurs.

res, ne crée pas l’unité ? Est-ce que les compagnies ouvrières, pour l’exploitation des grandes industries, n’expriment pas, à un autre point de vue, l’unité ? Et la constitution de la valeur, ce contrat des contrats, comme nous l’avons nommé, n’est-elle pas aussi la plus haute et la plus indissoluble unité ? Et si, pour vous convaincre, il faut vous montrer dans votre propre histoire des antécédents, est-ce que le système des poids et mesures, le plus beau monument de la Convention, ne forme pas depuis cinquante ans la pierre angulaire de cette unité économique, destinée par le progrès des idées à remplacer l’unité politique ?

Ne demandez donc plus ni ce que nous mettrons à la place du gouvernement ni ce que deviendra la société quand il n’y aura plus de gouvernement ; car, je vous le dis et vous le jure, à l’avenir il sera plus aisé de concevoir la société sans le gouvernement, que la société avec le gouvernement.

La société, en ce moment, est comme le papillon qui vient d’éclore, et qui avant de prendre son vol, secoue au soleil ses ailes diaprées. Dites-lui donc de se recoucher dans sa soie, de fuir les fleurs et de se dérober à la lumière !…

Mais on ne fait pas une révolution avec des formules. Il faut attaquer à fond le préjugé, le décomposer, le mettre en poussière, en faire sentir la malfaisance, en montrer le ridicule et l’odieux. L’humanité ne croit qu’à ses propres épreuves, heureuse quand ces épreuves ne l’épuisent pas d’esprit et de sang. Tâchons donc, par une critique plus directe, de rendre l’épreuve gouvernementale si démonstrative, que l’absurdité de l’institution frappe tous les esprits, et que l’anarchie, redoutée comme un fléau, soit enfin acceptée comme un bienfait.