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Aussi, lorsque je rappelle ces faits, ce n’est pas pour le vain plaisir de stigmatiser des hommes, plus malavisés que coupables, que le cours des choses me paraît ramener au Pouvoir ; c’est afin de leur remettre en mémoire que comme la Révolution les a usés une première fois, elle les userait une seconde, s’ils persistaient dans la voie de méfiance et de dénigrement occulte qu’ils ont d’abord suivie vis-à-vis d’elle.

Ainsi, par l’effet du préjugé gouvernemental et de la tradition propriétaire dont l’union intime fait toute la théorie politique et économique du vieux libéralisme, le gouvernement, — je ne fais aucune allusion aux personnes, j’entends par ce mot le faisceau des pouvoirs, après comme avant les journées de juin, — le gouvernement, dis-je, alors que la justice et la prudence lui commandaient d’en référer au Pays sur la demande des classes ouvrières, s’est cru le droit de trancher négativement, en haine de quelques utopistes plus bruyants que redoutables, la question la plus vitale des sociétés modernes. Là fut sa faute : que là soit aussi sa leçon.

De ce moment il fut avéré que la République, même de la veille, même issue de 93, pouvait n’être pas la même chose, au dix-neuvième siècle, que la Révolution. Et si le socialisme, tant calomnié alors par ceux-là mêmes qui depuis, reconnaissant leur erreur, viennent tour à tour invoquer son alliance ; si le socialisme, dis-je, avait soulevé cette querelle ; si, au nom du travailleur trompé, de la Révolution trahie, il s’était prononcé contre la République, jacobine ou girondine, c’est tout un, cette République se fût affaissée dans l’élection du 10 décembre ; la Constitution de 1848 n’eût été qu’une transition à l’empire. Le socialisme avait des