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volution ; puis, soit incurie, soit incapacité, soit infortune, soit intrigue ou trahison, soit toutes ces causes ensemble, pousser à Paris, à Rouen, des masses sans salaires à une lutte désespérée ; enfin, après la victoire, n’avoir plus qu’une pensée, une idée, étouffer per fas et nefas la plainte des travailleurs, la protestation de février.

Il suffit de parcourir la série des décrets du Gouvernement provisoire et de la Commission exécutive, jusqu’à la dictature de Cavaignac, pour se convaincre que pendant cette période de quatre mois la répression a été prévue, préparée, organisée, et la révolte directement ou indirectement provoquée par le Pouvoir.

La pensée réactionnaire, que le peuple ne l’oublie jamais, a été conçue au sein même du parti républicain, par des hommes que les souvenirs d’Hébert, de Jacques Roux, de Marat, épouvantaient, et qui, en combattant des manifestations sans portée, croyaient de bonne foi sauver la Révolution. C’est le zèle gouvernemental qui, divisant les membres du Gouvernement provisoire en deux camps ennemis, conduisit ceux-ci à désirer contre la révolution une grande journée, afin de régner par l’éclat de la victoire ; ceux-là, à préférer le déploiement d’une force supérieure, les diversions de la politique et de la guerre, afin de ramener le calme par la fatigue et la stérilité de l’agitation. Se pouvait-il autrement ? Non, puisque chaque nuance, prenant son emblème pour celui de la vraie république, se dévouait patriotiquement à l’élimination de ses rivales, réputées par elle ou trop modérées ou trop ardentes. La Révolution ne pouvait manquer d’être prise entre ces cylindres : elle était trop petite alors, et placée trop bas, pour être aperçue de ses redoutables gardiens.