Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.

soire proclama le droit au travail ! Ses paroles, sans doute, attestaient son ignorance ; mais l’intention y était. Et que ne peut-on faire du peuple français avec des manifestations d’intentions ? Il n’était bourgeois si hargneux qui ne fût prêt, à ce moment, si on lui remettait le pouvoir, de donner de l’ouvrage à tout le monde. Droit au travail ! Le Gouvernement provisoire revendiquera devant la postérité la gloire de cette parole fatidique, qui ratifia la chute de la monarchie constitutionnelle, sanctionna la République, et engagea la Révolution.

Mais ce n’est pas tout de promettre : il faut tenir.

En y regardant de plus près, on s’aperçut bien vite que le droit au travail était chose plus scabreuse qu’on n’avait cru. Après bien des débats, le gouvernement, qui dépensait 1, 500 millions chaque année rien qu’à faire de l’ordre, fut contraint d’avouer qu’il ne lui restait pas un centime dont il pût assister les ouvriers ; qu’il lui faudrait, pour les occuper, et conséquemment les payer, établir de nouveaux impôts, ce qui faisait cercle vicieux, puisque lesdits impôts seraient acquittés par ceux-là mêmes qu’il s’agissait de secourir ; que d’ailleurs il n’appartenait point à l’État de faire concurrence à l’industrie privée, qui déjà manquait d’aliment et sollicitait pour elle-même des débouchés ; qu’en outre, les travaux entrepris sous la direction de l’autorité coûtant généralement plus qu’ils ne valent, l’initiative industrielle de l’État, quelle qu’elle fût, ne pouvait aboutir qu’à aggraver la position des travailleurs. En conséquence, par ces motifs et d’autres non moins péremptoires, le Gouvernement donnait à entendre qu’il n’y avait rien à faire, qu’il fallait se résigner, maintenir l’ordre, prendre patience et confiance !