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Un jeune paysan, entrant en ménage, désire acheter un fonds : ce fonds vaut 15,000 francs.

Supposons que ce paysan, avec la dot de sa femme, un coin d’héritage, quelques économies, puisse faire le tiers de la somme, la Banque foncière, sur un gage de 15,000 francs, n’hésitera pas à en prêter 10,000, remboursables, comme il a été dit, par annuités.

Ce sera donc comme si, pour devenir propriétaire d’une propriété de 10,000 francs, le cultivateur n’avait qu’à en payer la rente pendant quinze, vingt ou trente années. Cette fois, le fermage n’est plus perpétuel ; il s’impute annuellement sur le prix de la chose ; il vaut titre de propriété. Et comme le prix de l’immeuble ne peut pas s’élever indéfiniment, puisqu’il n’est autre chose que la capitalisation au vingtuple, trentuple ou quarantuple, de la partie du produit qui excède les frais de labourage, il est évident que la propriété ne pourra plus fuir le paysan. Avec la Banque foncière le fermier est dégagé ; c’est le propriétaire qui est pris. Comprenez-vous, maintenant, pourquoi les conservateurs de la Constituante n’ont pas voulu du crédit foncier ?…

Ainsi, ce que nous appelons fermage, reste de la tyrannie quiritaire et de l’usurpation féodale, ne tient qu’à un fil, l’organisation d’une Banque, réclamée par la propriété elle-même. Il est démontré que la terre tend à revenir aux mains qui la cultivent, et que son affermage, comme le loyer des maisons, comme l’intérêt hypothécaire, n’est qu’une spéculation abusive, qui accuse le désordre et l’anomalie du régime économique.

Quelles que soient les conditions de cette Banque, qui existera le jour que le voudront ceux qui en ont besoin ; à quelque taux qu’elle fixe son courtage ; si