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cession, le parti souffrant ne pouvant plus se résigner, le conflit devient peu à peu inévitable.

C’est alors qu’il est curieux de suivre les péripéties de cette lutte, où toutes les chances défavorables semblent d’abord pour le mouvement, tous les éléments de succès, au contraire, pour la résistance. Ceux qui ne voient les choses qu’à la superficie, incapables de comprendre un dénoûment qu’aucune prudence ne pouvait, ce leur semble, deviner, ne manquent pas d’accuser de leur mécompte le hasard, le crime de celui-ci, la maladresse de celui-là, tous les caprices de la fortune, toutes les passions de l’humanité. Les révolutions, qui pour les contemporains beaux-esprits sont des monstres, semblent encore aux historiens qui plus tard les racontent des jugements de Dieu. Que n’a-t-on pas dit de la révolution de 89 ? Sur cette révolution qui s’est affirmée successivement par huit constitutions, qui a repétri de fond en comble la société française et détruit jusqu’au souvenir de l’ancienne féodalité, l’incertitude dure encore. On n’a pu se faire à l’idée de sa nécessité historique ; on ne comprend pas ses merveilleuses victoires. C’est en haine de ses principes, de ses tendances, que s’est organisée en partie la réaction actuelle. Et parmi ceux qui défendent le fait accompli de 89, un grand nombre crient haro sur les continuateurs : échappés, s’imaginent-ils, par miracle d’une première révolution, ils ne veulent pas courir le risque d’une seconde ! Tous s’entendent donc pour réagir, certains de la victoire comme ils croient l’être du droit, et multipliant autour d’eux les périls par les moyens mêmes qu’ils prennent pour y échapper.

Quel enseignement, quelle démonstration serait capable de les tirer d’erreur, si leur expérience ne les convainc pas ?