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ment naturel et heureux de l’ancien ordre de choses. Personne ne la verra, ne s’en doutera. Le peuple reconnaissant vous nommera son bienfaiteur, son représentant, son chef. C’est ainsi que Louis XVI fut salué, en 1789, par l’Assemblée nationale et par le peuple, Restaurateur des libertés publiques. À cette heure de gloire, Louis XVI, plus puissant que son aïeul Louis XIV, pouvait consolider pour des siècles sa dynastie : la révolution se présentait à lui comme un instrument de règne. L’insensé ne sut y voir qu’un empiétement sur ses droits ! Il porta jusqu’à l’échafaud cet inconcevable aveuglement.

Hélas ! il faut croire qu’une révolution pacifique est chose trop idéale pour que notre belliqueuse humanité s’en accommode. Rarement on voit les événements suivre le cours le plus naturel, le moins dommageable : aussi bien, les prétextes ne manquent pas. Comme la révolution a son principe dans la violence des besoins, la réaction trouve le sien dans l’autorité de la coutume. Toujours le statu quo veut prescrire contre la misère : c’est ce qui fait que la réaction au début obtient la même majorité que la révolution à la fin. Dans cette marche en sens opposé, où ce qui fait le profit de l’une tourne sans cesse au détriment de l’autre, combien il est à craindre qu’il ne se livre de rudes combats !…

Deux causes donc s’opposent à l’accomplissement régulier des révolutions : les intérêts établis et l’orgueil du gouvernement.

Par une fatalité qui s’expliquera plus tard, ces deux causes agissent toujours de connivence : de sorte que la richesse et le pouvoir, avec la tradition, étant d’un côté ; la misère, la désorganisation et l’inconnu de l’autre, le parti satisfait ne voulant pas faire de con-