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chose que la transition, dès longtemps connue, par laquelle le peuple, fatigué des manœuvres politiques, vient se reposer dans le gouvernement absolu, où l’attendent les ambitieux et les réacteurs. Est-ce qu’au moment où j’écris ces lignes la pensée d’une dictature n’est pas lancée déjà parmi le peuple, accueillie des impatients et des timides ? Est-ce que les mêmes que nous voyons combattre à la fois, tantôt sous l’invocation de Robespierre, tantôt en haine de ce nom, et le Gouvernement direct et l’anarchie, nous ne les avons pas vus tous, le lendemain de février, arrêter l’explosion des libertés, donner le change aux aspirations populaires, voter le rappel des prétendants, partout, toujours, payer en paroles et en calomnies ce que le peuple leur demandait en actes et en idées ?

J’ai plus d’un ami parmi les hommes qui suivent, ou plutôt qui croient suivre en ce moment la tradition jacobine : c’est pour eux surtout que j’écris ces lignes. Que la ressemblance des temps leur découvre enfin ce que jusqu’à ce jour il leur était difficile, peut-être, de soupçonner, la signification du 9 thermidor et la pensée de Robespierre.

De même qu’en 93 ceux qui se paraient avec le plus d’affectation du titre de révolutionnaires ne voulaient pas qu’on agitât les questions de propriété et d’économie sociale, envoyant à l’échafaud les anarchistes qui réclamaient pour le peuple des garanties de travail et de subsistance ; de même aujourd’hui, en pleine révolution, les continuateurs, avoués ou secrets, du jacobinisme se retranchent exclusivement dans les questions politiques, évitent de s’expliquer sur les réformes économiques, ou, s’ils y touchent, c’est pour débiter quelques préceptes innocents de fraternité rapportés des agapes de Jérusalem. Tous ces coureurs