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nourrira ? Sublatâ causâ, tollitur effectus, dit l’École. Le Peuple en masse passant à l’État, l’État n’a plus la moindre raison d’être, puisqu’il ne reste plus de Peuple : l’équation du Gouvernement donne pour résultat zéro.

Ainsi le principe d’autorité, transporté de la famille dans la nation, tend invinciblement, par les concessions successives qu’il est obligé de faire contre lui-même, concession de lois positives, concession de chartes constitutionnelles, concession de suffrage universel, concession de législation directe, etc., etc., tend, dis-je, à faire disparaître à la fois et le Gouvernement et le Peuple. Et comme cette élimination, au moins pour ce dernier, est impossible, le mouvement, après une courte période, vient constamment s’interrompre dans un conflit, puis recommencer à l’aide d’une restauration. Telle est la marche que la France a suivie depuis 1789, et qui durerait éternellement, si la raison publique ne finissait par comprendre qu’elle oscille dans une fausse hypothèse. Les publicistes qui nous rappellent à la tradition de 93 ne peuvent l’ignorer : le Gouvernement direct ne fut, pour nos pères, que l’escalier de la dictature, qui elle-même devint le vestibule du despotisme.


Lorsque la Convention, de piteuse mémoire, eut rendu, le 24 juin 1793, l’acte fameux par lequel le Peuple était appelé à se gouverner lui-même et directement, les Jacobins et la Montagne, tout-puissants depuis la chute des Girondins, comprirent parfaitement ce que valait l’utopie de Héraut-Séchelles ; ils firent décréter par la Convention, leur très-humble servante, que le Gouvernement direct serait ajourné à la paix. La paix, comme on sait, cela voulait dire du