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6. Gouvernement direct ou Constitution de 93. — Réduction à
l’absurde de l’idée gouvernementale.


La position qu’a prise dans cette controverse M. Ledru-Rollin est remarquable. Si j’ai bien compris sa pensée, il a voulu tout à la fois, d’abord restituer aux auteurs de la Constitution de 93 l’idée première du Gouvernement direct ; en second lieu, montrer que cette Constitution, qui fut le point culminant du progrès démocratique, atteint, si même elle ne les dépasse, les limites du possible ; enfin, arracher les esprits aux vaines curiosités de l’utopie, en les replaçant dans la ligne authentique de la Révolution.

En cela M. Ledru-Rollin, il ne m’en coûte rien de le reconnaître, s’est montré plus libéral que M. Louis Blanc, sectateur inflexible du gouvernementalisme de Robespierre ; et plus intelligent des choses politiques que MM. Considérant et Rittinghausen, dont la théorie, enfoncée dans l’impossible, n’a pas même le mérite d’une logique franche et irréprochable.

M. Ledru-Rollin, personnifiant la Constitution de 93, semble un problème vivant qui dit au Peuple : Vous ne pouvez rester en deçà ; mais vous n’irez pas au delà ! Et, il faut l’avouer, cette appréciation de la Constitution de 93 est vraie.

Mais j’en conclus que la Constitution de 93, rédigée par les esprits les plus libéraux de la Convention, est le monument élevé par nos pères pour témoigner contre le régime politique ; que nous devons y voir une leçon, non un programme ; la prendre pour point de départ, non pour but d’arrivée. M. Ledru-Rollin est homme de progrès : il ne saurait récuser une conclusion qui, prenant la Constitution de 93 pour dernière expression de la pratique gouvernementale,