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le Peuple, à son tour, n’a pris conseil que de sa propre inclination ; il n’a tenu compte des prédictions et des avis des républicains. J’ai blâmé, quant à moi, cette élection, par les mêmes motifs qui, le 24 février, m’avaient fait adhérer à la proclamation de la République. Et c’est parce que je l’avais blâmée, que j’ai combattu depuis, autant qu’il était en moi, le gouvernement de l’élu du Peuple.

Cependant, au point de vue du suffrage universel, du mandat impératif, et de la souveraineté du nombre, je devais croire que Louis Bonaparte résumait en effet les idées, les besoins et les tendances de la nation. Sa politique, je devais la prendre pour la politique du Peuple. Fût-elle contraire à la Constitution, par cela seul que la Constitution n’émanait pas directement du suffrage universel, que l’œuvre des législateurs n’en avait pas reçu la consécration, tandis que le Président était la personnification immédiate de la majorité des voix, cette politique devait être censée consentie, inspirée, encouragée par le souverain. Ceux qui, le 13 juin 1849, allèrent au Conservatoire, étaient des factieux. Qui donc leur donnait le droit de supposer que le Peuple, au bout de six mois, désavouait son Président ? Louis Bonaparte s’était présenté sous les auspices de son oncle : on savait ce que cela voulait dire.

Eh bien ! qu’en dites-vous ? Le Peuple, je parle du Peuple, tel qu’il se révèle au forum, dans les urnes du scrutin, le Peuple qu’on n’aurait pas osé consulter en Février sur la République ; le Peuple qui s’est manifesté, au 16 avril et après les journées de juin, en majorité immense contre le Socialisme ; le Peuple qui a élu Louis Bonaparte en adoration de l’Empereur ; le Peuple qui a nommé la Constituante, hélas ! et puis après la Législative, holà ! le Peuple qui ne s’est pas