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surtout à Rousseau, nous n’avions appris à croire à la bonne foi de tous ceux qui se mêlent ainsi à la chose publique.

Il s’agit d’abord d’apprécier le système constitutionnel, interprétation du dogme nouveau, la souveraineté du Peuple. Une autre fois, nous chercherons ce qu’est en elle-même cette souveraineté.

Jusqu’à la Réforme, le Gouvernement avait été réputé de droit divin : Omnis potestas à Deo. Après Luther, on commença d’y voir une institution humaine : Rousseau, qui l’un des premiers s’empara de cette donnée, en déduisit sa théorie. Le Gouvernement venait d’en-haut : il le fit venir d’en bas par la mécanique du suffrage, plus ou moins universel. Il n’eut garde de comprendre que si le Gouvernement était devenu, de son temps, corruptible et fragile, c’était justement parce que le principe d’autorité, appliqué à une nation, est faux et abusif ; qu’en conséquence, ce n’était pas la forme du Pouvoir ou son origine qu’il fallait changer, c’était son application même qu’il fallait nier.

Rousseau ne vit point que l’autorité, dont le siége est dans la famille, est un principe mystique, antérieur et supérieur à la volonté des personnes qu’il intéresse, du père et de la mère, aussi bien que de l’enfant ; que ce qui est vrai de l’autorité dans la famille, le serait également de l’autorité dans la Société, si la Société contenait en soi le principe et la raison d’une autorité quelconque ; qu’une fois l’hypothèse d’une autorité sociale admise, celle-ci ne peut, en aucun cas, dépendre d’une convention ; qu’il est contradictoire que ceux qui doivent obéir à l’autorité commencent par la décréter ; que le Gouvernement, dès lors, s’il doit exister, existe par la nécessité des