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juger, de me mettre en prison, de m’ôter la vie et l’honneur ? Déclamateur perfide, n’avez-vous tant crié contre les exploiteurs et les tyrans, que pour me livrer ensuite à eux sans défense ?

Rousseau définit ainsi le contrat social :

…...« Trouver une forme d’association qui défende et protége, de toute la force commune, la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous, n’obéisse qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant. »

Oui, ce sont bien là les conditions du pacte social, quant à la protection et à la défense des biens et des personnes. Mais quant au mode d’acquisition et de transmission des biens, quant au travail, à rechange, à la valeur et au prix des produits, à l’éducation, à cette foule de rapports qui, bon gré, mal gré, constituent l’homme en société perpétuelle avec ses semblables, Rousseau ne dit mot, sa théorie est de la plus parfaite insignifiance. Or, qui ne voit que sans cette définition des droits et des devoirs, la sanction qui la suit est absolument nulle ; que là où il n’y a pas de stipulations il ne peut y avoir d’infractions, ni par conséquent de coupables ; et pour conclure suivant la rigueur philosophique, qu’une société qui punit et qui tue en vertu d’un pareil titre, après avoir provoqué la révolte, commet elle-même un assassinat avec préméditation et guet-apens ?

Rousseau est si loin de vouloir qu’il soit fait mention, dans le contrat social, des principes et des lois qui régissent la fortune des nations et des particuliers, qu’il part, dans son programme de démagogie, comme dans son Traité d’éducation, de la supposition mensongère, spoliatrice, homicide, que l’individu seul est bon, que la société le déprave ; qu’il convient à l’homme en conséquence de s’abstenir le plus possible de toute