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Sans doute la charte est incomplète et mauvaise dans son expression, dans sa rédaction, et c’est là l’œuvre des sieurs Bérard et Montesquiou ; mais le fond des idées appartient à la nation, et c’est ce fond que j’interprète.

Et parce qu’il m’a semblé que les hommes du pouvoir s’écartaient de la charte, j’ai fait, moi égalitaire et ami de la charte, de l’opposition à ces ignorants gouverneurs. Oseraient-ils prétendre que qui ne les aime pas n’aime pas non plus la charte ? Je les attends à cet aphorisme.

Comment donc M. l’avocat général peut-il me reprocher d’avoir fait appel aux passions ? J’ai blâmé la violence, le meurtre, les émeutes, les sociétés secrètes, les révolutions dans vingt endroits de ma brochure, dans les passages mêmes qui servent de base à l’accusation, tellement que j’ai cru d’abord qu’il y avait eu erreur de chiffres de la part du greffier. Voilà pour les prolétaires. Quant à ceux qui, ayant mission pour instruire le peuple et veiller à ses intérêts, ne savent que l’outrager, le corrompre, crier contre les socialistes et les théoriciens, je n’ai pu m’empêcher d’user envers eux de représailles, et je m’en glorifie. Je n’entendrai jamais de sang-froid un pair de France dire que tous ceux qui ne possèdent rien sont les ennemis du gouvernement ; un président du parlement déclarer que les chambres n’ont pas mission d’organiser le travail et de procurer du pain aux ouvriers, mais de faire des lois ; des députés, des journalistes, soutenir que quiconque ne paie que deux cents francs d’imposition est incapable et imbécile.

Mais que dis-je ? Oui, messieurs les jurés, j’ai fait appel aux passions ; j’ai excité la passion de la liberté contre la passion du privilége ; la passion de la science contre la passion de l’obscurantisme ; la passion du travail contre la passion du désœuvrement. J’ai fait comme les prédicateurs, qui excitent l’amour de la pénitence contre l’amour du plaisir ; mais on ne les écoute guère.

Vous jugerez bientôt, messieurs les jurés, si, en soulevant toutes ces passions les unes contre les autres, j’ai fait acte de