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forme et sa détermination antique, aux besoins de la civilisation : philosophes, jurisconsultes, économistes, hommes d’État ; théories sur la centralisation, sur la solidarité industrielle, l’organisation du travail, la systématisation du droit, la réforme hypothécaire, l’abolition progressive des douanes, la répartition de l’impôt, etc., etc., tout enfin, hommes et doctrines, conspire à restreindre, modifier, transformer l’ancien droit de propriété.

C’est en considération de ce mouvement de l’esprit public que j’ai osé qualifier la propriété de vol, m’exprimant de la sorte par une vue anticipée de l’avenir, et nullement dans le but de formuler une accusation contre les propriétaires. Et souffrez que je le dise, monsieur le ministre, le repos de la nation, la force du pouvoir, la grandeur de la France, ne dateront que du jour où cette proposition sera devenue article de foi et principe de gouvernement.

Jadis la victoire et la conquête faisaient toute la légitimité du souverain ; Voltaire, il n’y a guère plus d’un siècle, célébrait encore ce droit barbare. Aujourd’hui le roi tient ses pouvoirs de l’élection et de la loi : c’est un progrès assurément ; mais la royauté constitutionnelle n’est point le dernier terme du symbole politique, la dernière expression de la souveraineté. Quant à la souveraineté du peuple, sans cesse alléguée par ceux qui ne savent rien de plus, je la regarde simplement comme une abstraction de mots, une généralité idéologique, mais point du tout comme un principe, moins encore comme une formule.

Or, de même que la royauté constituée par la Charte est un moyen terme entre le droit divin ou de conquête et l’idéal du gouvernement, de même, entre la force brutale et l’association il est, par rapport au droit civil et parallèlement à l’ordre politique, un intermédiaire légal que toutes les institutions existantes, toutes les tendances de l’opinion, tous les actes du gouvernement travaillent à faire disparaître ; cet autre moyen terme entre la barbarie et la civilisation, est la PROPRIÉTÉ.