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ÉVOLUTION HISTORIQUE

qu’elle avait été, la nation devint tout entière artiste et dilettante. Alors commença la corruption idéaliste, suivie bientôt d’une décadence irréparable. L’art grec avait enfanté ses merveilles dans la religion et la justice ; il se réduisit de lui-même à l’impuissance dès qu’il les eut oubliées.

Une dernière observation : les Grecs, qui ont tant recherché la beauté de la forme, n’ont pas entièrement. ignoré l’emploi du laid. La mythologie leur avait donné ses monstres : cyclopes, harpies, gorgones, sirènes, satyres, etc. Le théâtre avait ses masques ; les campagnes étaient peuplées de hideux Priapes. Dans la poésie, Homère, le premier, avait introduit des personnages ignobles et burlesques ; plus tard, il y eut la comédie et l’incomparable Aristophane. L’ironie est essentiellement grecque. Cependant il ne parait pas que les Grecs aient développé dans cette direction les arts plastiques ; ils auraient, ce semble, craint de se faire honte à eux-mêmes, d’offenser l’art et de blasphémer les dieux. Ce fut de leur part une inconséquence, mais qui achève de nous les faire connaître. Nous qui ne pouvons aujourd’hui avoir les mêmes scrupules, nous saurons, tout en négligeant cet idéalisme idolâtrique, tirer un immense parti des formes triviales et des sujets vulgaires. Aristote, contemporain d’Aristophane, disait que le drame avait pour objet de purger les passions. D’autres, reprenant cette même pensée d’Aristote,