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ÉVOLUTION HISTORIQUE

cide avec la plénitude du droit et du savoir, et la plus profonde servitude avec l’extrême ignorance et corruption. Comment donc en serait-il autrement de l’art, que je regarde, moi aussi, comme l’expression propre et spécifique de la liberté ? Comment se soutiendrait-il, se développerait-il, si, ne possédant en soi ni sa matière, ni sa raison, il ne s’appuyait pas sur ces deux colonnes de toute liberté, le juste et le vrai ? L’art pour l’art, comme on l’a nommé, n’ayant pas en soi sa légitimité, ne reposant sur rien, n’est rien. C’est débauche de cœur et dissolution d’esprit. Séparé du droit et du devoir, cultivé et recherché comme la plus haute pensée de l’âme et la suprême manifestation de l’humanité, l’art ou l’idéal, dépouillé de la meilleure partie de lui-même, réduit à n’être plus qu’une excitation de la fantaisie et des sens, est le principe du péché, l’origine de toute servitude, la source empoisonnée d’où coulent, selon la Bible, toutes les fornications et abominations v de la terre. C’est à ce point de vue que le culte des lettres et des arts a été signalé tant de fois par les historiens et les moralistes comme la cause de la corruption des mœurs et de la décadence des États ; c’est pour le même motifque certaines religions, le magisme, le judaïsme, le protestantisme, l’ont proscrit de leurs temples. L’art pour l’art, dis-je, le vers pour le vers, le style pour le style, la forme pour la forme, la fantaisie pour la fantaisie, toutes ces vanités qui rongent, comme