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DE L’IDÉAL

tion : il y a l’immense variété des actions et passions humaines, les préjugés-et les croyances, les conditions et les castes, la famille, la religion, la cité ; la comédie domestique, la tragédie du forum, l’épopée nationale ; il y a les révolutions. Tout cela est matière d’art aussi bien que de philosophie, et veut être exprimé non-seulement d’après les règles de l’observation scientifique, mais aussi d’après celles de l’idéal.

Ainsi l’art, plus encore que la science et l’industrie elle-même, est essentiellement concret, particulariste et déterminatif comme la nature ; et c’est au moyen de ce particularisme, de cette détermination, de ces formes concrètes, qu’il inculque plus profondément le sentiment du beau et du sublime, l’amour de la perfection, l’idéal. Les fables de La Fontaine, les paraboles de l’Évangile, de même que les chefs-d’œuvre de la peinture et de la statuaire, le font comprendre[1].

  1. Pris substantivement, l’idéal se distingue de l’Idée, en ce que celle-ci demeure abstraite comme type, tandis qu’il est le revêtement plus ou moins agréable, magnifique ou expressif, que l’imagination, que la poésie ou le sentiment lui donnent. Exemples :
    Idée : Il est plus sûr de vivre dans une condition humble que dans une position élevée. — Idéal : Fable du Chêne et du Roseau ; Combat des Rats et des Belettes, où les princes de l’armée des rats, avec leurs aigrettes, ne pouvant entrer dans les trous, sont tous massacrés.
    Idée : Un artiste est chargé d’une statue de Napoléon Bonaparte, empereur des Français. — Idéal : Sera-t-il en costume de général, en empereur romain ou eu redingote grise ?
    Idée : La tendresse maternelle. — Idéal : Une poule et ses poussins,