Page:Proudhon - Du principe de l'art et de sa destination sociale.djvu/46

Cette page n’a pas encore été corrigée
34
DE L’IDÉAL

abstraction faite de toute matérialité. Idéal se dit donc, étymologiquement, d’un objet considéré dans la pureté et la généralité de son essence, en dehors de toute réalisation, variété et accident empiriques.

Un Français idéal, par exemple, de même qu’un Français en général, n’est pas autre chose que la notion ou type purement intelligible de l’homme français ; ce n’est ni Pierre, ni Paul, ni Jacques, né en Provence, en Gascogne ou en Bretagne ; c’est un être fictif, réunissant en sa personne, au degré le plus éminent, toutes les qualités bonnes et mauvaises du sujet français, tel qu’il se présente sur toute l’étendue du territoire de France. Il en sera de même d’un bœuf idéal ; qui ne sera ni durham, ni normand, ni suisse ; d’un animal, d’un arbre ou de toute autre chose idéale : ce sont des conceptions de l’espèce bovine, du règne animal ou végétal, d’après leurs caractères généraux élevés à leur plus haute puissance, mais qui n’existent nulle part. Idéal, en un mot, indique une généralisation, non une réalité, le contraire de l’individu observable, par conséquent une antithèse du réel.

De cette première acception du mot idéal découle cette autre : puisque l’idée est le type pur, exact, immuable des choses, elle en est la perfection, l’absolu. Une chose idéale, conforme à son idée, à son archétype, est une chose parfaite en son genre, comme serait une sphère dont tous les rayons seraient parfaitement