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BUT ET DÉFINITION DE L’ART

écouter un homme qui imitait, à s’y tromper, le chant du rossignol. — Grand merci, dit-il ; j’ai entendu souvent le rossignol lui-même. Ce Grec avait vraiment Je sens esthétique. Remarquez qu’il ne médisait pas du rossignol ; tout au contraire, c’était le souvenir touchant, délicieux, qu’il avait gardé du chantre des nuits, qui le faisait se refuser à en entendre une imitation. Que lui importait un baladin, contrefaisant, pour quelques drachmes, et gâtant une des harmonies les plus vives de la nature ? J’en ai vu de ces siffleurs de merles et de rossignols, et je puis dire que jamais tour de force ou de gosier ne m’a paru plus déplaisant. Le renouvellement de la vie au printemps, la beauté des nuits, l’amour universel, je ne sais quelle mélancolie douce, s’insinuant dans l’âme à l’aspect de toutes ces choses, et dont le solo de Philomèle se fait tout à coup l’interprète ; voilà ce qui rend si poétiques les accents du rossignol. Là est l’idéal ; le malheureux mendiant qui, sans nul sentiment de l’art et de la nature, contrefait ce chant divin, est un affreux réaliste.

Nous venons de nommer l’idéal : analysons, maintenant cette notion.

Idéal, idealis, adjectif dérivé de idea, idée, est ce qui est conforme à l’idée ou qui y a rapport.. Mais qu’est-ce que l’idée elle-même ? L’idée, d’après l’étymologie grecque du mot, est la notion typique,spécifique, générique, que l’esprit se forme d’une chose.