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OU DE LA FACULTÉ ESTHÉTIQUE

de se mettre en opposition avec le droit et les mœurs. Mais l’art, dans son fougueux élan, n’attend pas plus le droit et la loi qu’il n’attend le savoir ; son évolution est beaucoup plus rapide : il prend le devant, et souvent, jusque dans les sociétés avancées, c’est lui dont. le culte mystique et vague supplée, dans les âmes admiratives et amoureuses, la loi sévère, précise et impérative de la morale.

De ces considérations générales sur le principe et les conditions organiques de l’art, il résulte que, si la faculté esthétique, de même que la faculté philosophique. a sa base tout à la fois dans l’esprit et dans les choses, je dirai même dans l’observation, puisqu’il s’agit ici d’une certaine espèce d’apparences ; si, de même encore que la philosophie, elle a devant elle l’infini de la nature et de l’humanité, elle ne marche cependant pas son égale, elle ne tient pas le haut rang, pas plus dans l’opinion que dans l’histoire. Son rôle est

celui d’un auxiliaire ; c’est une faculté plus féminine que virile, prédestinée à l’obéissance, et dont l’essor doit en dernière analyse se régler sur le développement juridique et scientifique de l’espèce. Le progrès de l’art, s’il y a progrès, n’aura pas sa cause en lui-même : il recevra son accroissement du dehors. Abandonné à ses propres forces, l’art, fantaisiste par nature, ne peut que tourner sur lui-même : il est condamné à l’immobilité.