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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

mission ; même quand elle a recherché la popularité, elle s’est égarée. Elle a faussé le goût des masses, les a corrompues et faites à son image. Le romantisme a été de l’idéalisme à corps perdu, du pastiche, de la fantaisie folle et sans nom, en dernière analyse de la corruption. Le goût,le style, la langue, la critique, les idées et les mœurs, tout est dépravé. Ce n’est ni l’empire ni Louis-Philippe qui nous ont faits ce que nous sommes : c’est le romantisme épicurien, idéaliste, immoral. Sous prétexte de faire mieux que le bien, plus vrai que la vérité, plus juste que le droit, il a perdu chez nous la conscience. La morale des romantiques, renouvelée des jésuites, est comme l’art pur : c’est la négation des règles de la justice, des prescriptions du droit et du devoir ; c’est la charité mise au-dessus des lois ; c’est la fraternité violant la liberté et la responsabilité ; c’est l’amour effaçant les plus grandes scélératesses, un bon mouvement rachetant un million de crimes.

Le sultan Mourad (Légende des siècles, par Y.HUGO) a épouvanté le monde de ses forfaits. Il a fait étrangler ses huit frères, noyer les vingt femmes de son père ; il a éventré vifs douze enfants pour une pomme volée ; il a fait murer vivants vingt mille prisonniers ; il a anéanti des villes, exterminé des provinces ;

Il fit un tel carnage avec son cimeterre,
Que son cheval semblait au monde une panthère.