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DU PRINCIPE DE L’ART

desquelles tout le monde est d’accord ; mais il en est un beaucoup plus grand nombre à l’égard desquelles les sentiments sont divisés, sans que pour cela leur beauté doive être tenue pour douteuse. Cette divergence provient de ce qu’il en est de notre faculté esthétique comme de notre mémoire, de notre intelligence, de nos sens : elle n’a pas chez tous la même puissance, la même pénétration ; sans compter que les mêmes objets ou les mêmes aspects ne nous offrent pas à tous un égal intérêt. Souvent le goût est lent à se former ; on aime dans un temps ce que l’on rejette dans un autre ; on se rectifie soi-même. Souvent la personne qu’on doit aimer est celle qui commence par déplaire ; on a vu des amants passionnés se prendre en aversion et déclarer toute leur incompatibilité. Alceste, s’imaginant qu’il aime Célimène, et persistant à l’aimer encore après qu’il a reconnu sa coquetterie, est un homme qui s’ignore lui-même : ce qu’il lui fallait n’était ni la légère Célimène, ni la sa Éliante ; c’était un composé des deux, une personne gaie, spirituelle, séduisante, en apparence légère, au fond raisonnable : telle était la femme d'Orgon, Elmire.

Il n’est pas un homme qui n’ait aimé dans sa vie au moins une jolie femme, ce qui suppose que toutes les femmes sont belles ; et j’abonde dans ce sentiment. Mais, de toutes ces créatures charmantes, il n’y en a