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ÉVOLUTION HISTORIQUE

aux lèvres du narrateur ; que son cœur, sa pensée, son amour, sont dans ces monuments ! Jamais le théâtre grec, le cirque romain éveillèrent-ils un enthousiasme égal à celui que produisait le seul espoir de la visite du temple, de l’ascension à Jérusalem ? Les psaumes en sont pleins : Lœtatus sum in his quœ dicta sunt mihi : in domum Dornini ibimus. Comme le législateur s’empare des cœurs par l’image du beau ! Et en même temps comme, par la religion et la rationalité surexcitée, il augmente l’énergie du sentiment esthétique et provoque les manifestations de l’art ! Cela se passait cependant chez un peuple dont la religion proscrivait la peinture et la statuaire.

Est-ce que nos expositions de peinture, avec leurs milliers de tableaux, de gravures, de statues, ont jamais produit sur les masses un effet comparable à celui de la procession de la Fête-Dieu et de la visite des tombeaux le jeudi saint ? Quoi déplus pauvre cependant que les moyens mis en œuvre par le clergé et les paroisses ? Mais les consciences étaient à l’unisson : tous prenaient part à la chose. Aussi, de même que l’empereur Napoléon Ier avouait qu’il ne trouvait rien de plus beau, quant à lui, qu’une armée rangée en bataille et exécutant ses évolutions, de même, au temps de la foi, nul catholique ne pouvait se vanter d’avoir vu rien de plus beau que la procession.

Il y a cinquante ans, la première chose que faisait