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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

enten- ; ce n’était pas ce que l’artiste voulait mettre en lumière ; ce qu’il a voulu montrer, c’est l’âme bourgeoise. Pour mieux faire ressortir son idée, il a composé une figure idéale, au moins en ce sens ; et cet idéal est fulgurant, il étonne, il consterne. Voilà comment Courbet marie ensemble ces deux éléments, l’idéal et le réel, l’imagination et l’observation. Si j’étais ministre, ambassadeur ou empereur, je me garderais de me faire peindre par lui.

En résumé, Courbet, peintre critique, analytique, synthétique, humanitaire, est une expression du temps. Son œuvre coïncide avec la Philosophie positive d’Auguste Comte, la Métaphysique positive de Vacherot, le Droit humain, ou Justice immanente de moi ; le droit au travail et le droit du travailleur, annonçant la fin du capitalisme et la souveraineté des producteurs ; la phrénologie de Gall et de Spurzheim ; la physiognomonie de Lavater. Il doit immensément au bonheur qu’ila eu de vivre à Ornans ; s’il était né, s’il avait grandi dans une Académie, il ne serait pas lui-même. C’est la liberté qui lui a enseigné sa voie[1]. Il a mis la

  1. Chose à remarquer, et qui témoigne du vice universel des écoles, des méthodes, traditions, dont on ne peut nier l’utilité générale, mais qui deviennent trop souvent aussi des routines, des causes de préjugés, des chaînes pour l’esprit : c’est là que se perpétuent les erreurs, que se constitue l’immobilisme, l’esprit de résistance ; les solidarités entre talents médiocres, les coteries, les intrigues, dont la plus haute expression se trouve dans les Académies. (Voyez surtout l’Académie française, celle des Beaux-Arts et celle des Sciences morales.) Ou ne sait lequel est le plus funeste à l’art, de l’appui du pouvoir ou de ses gènes, dus écoles et académies ou de la liberté. Je ne voudrais point de professorat, pas de Conservatoire (mot atroce ; des maîtres tout simplement et des apprentis qui restent libres. Le professorat et l’école ont abouti à la dissolution complète, à la négation de tout principe et de toute règle, tandis que la liberté pure a fait trouver à Courbet ses véritables lois. Or l’absence de principes est servitude, — LES RÈGLES SONT LIBERTÉ. L’écrivain et l’artiste ne se sèment ni ne se cultivent : il n’y a point de callipédie au moyen de laquelle un puisse, a volonté, s’en procurer. Voyez les élèves de l’Ecole normale : choisis parmi les lauréats des collèges, élevés dans !cette serre chaude, ils ont perdu, par leur éducation même, l’originalité, la personnalité, la foi. Ce sont des sceptiques, des écrivains trop bien élevés pour qu’il y ait en eux rien de spontané, de fort, de soudain, d’immédiat : ce Font de pédantesques médiocrités.