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ÉVOLUTION HISTORIQUE

Pêcheur de chavots serait universellement admiré s’il pouvait être compris : c’est une scène de la vie des enfants d’Ornans pêchant avec une fourchette, de petits poissons dans la Loue, et qui fera merveille sur la fontaine qu’on doit bâtir au milieu de la ville. L’idéalisme de Courbet est des plus profonds ; seulement il n’a garde d’inventer rien. Il voit Pâme à travers le corps, dont les formes sont pour lui une langue, et chaque trait un signe.

Courbet, en effet, saisissant les rapports de la figure corporelle et des affections et facultés de l’âme, de ses habitudes et de ses passions, s’est dit : Ce que l’homme est dans sa pensée, son âme, sa conscience, son intelligence, son esprit, il le montre sur son visage et dans tout son être ; pour le révéler à lui-même, je n’ai besoin que de le peindre. Le corps est une expression ; par conséquent la peinture qui le représente et l’interprète est un langage. Un philosophe ferait une psychographie ; je ferai un tableau. Déshabillons cet homme, et nous allons voir. Voilà le réalisme de Courbet : la représentation du dehors pour nous montrer le dedans. Mais cette représentation n’est plus un simple portrait, une photographie, pas plus que la Vénus de Praxitèle ; elle se compose de traits recueillis et combinés ensemble d’après l’observation des réalités : en cela, c’est une pure idéalisation. Dans la Baigneuse, la beauté féminine idéale est sous-enten-