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ÉVOLUTION HISTORIQUE

lait se dérober aux regards, et s’efforce, en entraînant l’âne rebelle, d’abréger ce voyage, qui met sa pudeur au supplice.

Derrière ce groupe marche un séminariste, à la figure candide, plein d’une ferveur juvénile, et dont l’ambition secrète, que jusqu’à présent il n’a confiée qu’à Dieu et à son confesseur, est de se consacrer aux missions lointaines, et qui rêve le martyre. Un peu décontenancé par ce qu’il voit, il soutient avec une sollicitude pleine de charité un vieil ecclésiastique trébuchant et frappant la terre de sa canne ; comme s’il venait de pourfendre d’un argument péremptoire les hérétiques, les philosophes, les juifs et tous les ennemis de l’Église. A côté d’eux, et -pour compléter ce deuxième groupe, s’avance carrément un curé d’un type à part : c’est le prêtre herculéen, taillé à angle droit, terrible de visage, admiré des paysans pour la rudesse de ses allures, buvant, fumant et jurant, exerçant sur ses paroissiens un ascendant irrésistible par son énergique vulgarité. Les fonctions de sa modeste cure, l’administration de sa fabrique ne suffisent pas à sa puissante activité. Il a fait irruption dans le temporel ; il s’est jeté dans les œuvres profanes ; il plante, il cultive, il exploite, il entreprend, il trafique, il spécule, il soumissionne ; il est marchand de bois, de grains, de liquides, de chevaux. Transportez par la pensée cette vigoureuse et inflexible nature au douzième siècle : ce