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ÉVOLUTION HISTORIQUE

de corruption. Il l’est aujourd’hui autant que jamais. — Le culte multiplié d’Astarté, Aphrodite ou Venus ; les fêtes orgiaques, dyonisiaques ou bacchanales ; les lamentations sur la mort d’Adolis, les jeux floraux, les prostitutions sacrées, le priapisme universel, les poésies érotiques, l’amour vulgivague, omnigame, en sont les monuments. Ajoutons encore les théâtres, les danses, le vin, la bonne chère.— Ainsi tout se tient : le raffinement des arts amène la corruption.

La vérité de ce rapport est si vraie, que le même effet se produit chez les raffinés de la dévotion et chez les raffinés de l’art. Dès l’origine du christianisme, l’idéalisme idolâtrique, aboli quant au dogme chez les néophytes ou païens convertis, prit immédiatement une nouvelle forme, plus licencieuse encore, dans le mysticisme[1]. Les sectes innombrables des

  1. Nous connaissons tous deux amours. L’un, idéal, éthéré, divin, platonique, uranien, cléste ; tous nous l’avons éprouve : ce qu’il y a de plus héroïque, de plus divin, de plus idéal. C’est celui-là que la raison et la justice recherchent de préférence, le premier à qui l’on doive des autels. Les fiançailles sont délicieuses, divines. Le mariage de la religieuse avec l’époux céleste est une noce spirituelle après laquelle il faudrait que l’âme fût ravie à la terre. Cependant il y a un autre amour sans lequel le premier serait stérile ; amour terrestre, fougueux, passionné, reproducteur de la vie, conservateur de l’amour divin lui-même ; par lequel se forme l’amour conjugal, et d’où naît l’amour maternel. — Dans le mariage, en effet ; existent les deux amours. Il faut l’avouer, nous aspirons à. l’un et à l’autre comme au souverain bien. La volupté nous charme, nous enlève de vive force ; elle a sa légitimité, son droit ; — c’est le démon sans doute, tandis que l’autre amour est l’ange : tous deux’en lutte, en antagonisme ; mais malheur à qui excite le cœur humain au culte de l’un ou de l’autre : il les gâte tous deux. Il faut se taire, n’en parler que par échappées, et se montrer prudent et sobre aussi bien dans l’idéal que dans la passion.