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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

beauté seule n’est rien. C’est ainsi que dans notre société, idéaliste sans doute, mais beaucoup plus rationnelle, positive, critique et pratique qu’il ne semble,une femme vertueuse, intelligente, active, propre, mais sans beauté, trouve vingt maris pour un, tandis qu’une belle personne, si elle n’a que sa figure, ne trouve rien. — Ne séparons plus les deux sœurs, je le veux ; tâchons que l’idée soit belle et la beauté intelligente : par là nous serons à l’abri de toute déception comme de tout regret. Mais le résultat le plus important du criticisme ou de la substitution de l’idéalisme de l’idée à l’idéalisme de la forme, c’est l’affranchissement de l’art de toutes les atteintes de la prostitution.

Vaste sujet qui demanderait un livre, et que je me borne à traiter sommairement.

Il existe un rapport intime entre l’idéal et la volupté ; on peut même dire que celle-ci est fille de celui-là : c’est la jouissance goûtée en artiste, idéalisée. L’idéal excite à la possession. Celui qui rêve la beauté veut l’avoir ; dès qu’il en jouit, son idéalisme devient volupté. L’art, en tant qu’il a pour objet d’éveiller l’idéal, surtout celui de la forme, est donc une excitation au plaisir. Si la passion qu’il excite est l’amour, c’est un agent pornocratique, le plus dangereux de tous.

Aussi voyons-nous qu’excepté au moyen âge, où l’art, réagissant contre l’idolâtrie, s’est fait l’interprète de la spiritualité chrétienne,partout il a été un agent