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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

et je n’y crois pas. — Mais nous sommes loin de là. Dans les mœurs orientales, dans ces délices trop vantées du harem, la femme qui se montre étant censée faire les avances, on est tenté d’applaudir aux. deux corrupteurs, dont le seul tort en cette occurrence est peut-être de se montrer à deux, tandis qu’un seul eût pu réussir. C’est la brutalité des deux hommes qui fait ici la vertu de Suzanne ; j’y croirais davantage s’il n’y avait qu’un tète-à-tète.

Pourquoi les artistes n’ont-ils seulement jamais soupçonné ces difficultés ? Pourquoi tant de tableaux représentant Suzanne au bain, une Suzanne qui. au lieu d’inspirer le respect’, provoque le désir ? C’est que les artistes, de moins en moins moralistes ou philosophes, ne cherchent plus dans les sujets qu’une occasion de peindre le nu, de montrer des femmes dans une attitude plus ou moins provoquante.

Le culte de la forme était une tentation à laquelle l’humanité devait succomber plus d’une fois ;toujours il a tendu à se substituer au but supérieur de l’art. Il en est de lui comme d’un général qui, après avoir commandé ses concitoyens dans la guerre contre l’étranger, leur demande la couronne, et, au lieu de consacrer leur indépendance, en fait ses sujets ; le but de la guerre cependant n’était pas de produire la royauté ni de récompenser le général, mais d’assurer la liberté. L’adoration de la forme arriva à son plus haut de-