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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

tresse de son cœur et sait commander à ses désirs. Elle gardera longtemps sa fraîcheur : à trente ans, elle n’en paraîtra pas plus de vingt. D’ici là, peut-elle manquer de rencontrer un lord, un prince russe, un grand d’Espagne ou un agent de change ? Du reste, à quelque âge qu’elle se marie, elle n’aura pas d’enfants : c’est la première condition qu’une fille prudente met à son contrat de mariage.

Les Demoiselles de la Seine font pendant et contraste aux Casseurs de pierres ; l’un des deux tableaux explique l’autre, le complète et le justifie. Tous deux sont dans la réalité, et tous deux puissants par l’idéal ; il suffit, pour s’en convaincre, de s’arrêter quelques minutes à les considérer tour à tour. D’après les principes que nous ayons développés, les deux sujets sont également du domaine de l’art. Demandez-vous cependant, après vous être rendu compte de votre double impression, laquelle de ces existences, celle de ces malheureux journaliers ou celle de ces élégantes, vous semble la plus antiesthétique, la plus démoniaque, sinon au point de vue de la misère matérielle, du moins à celui de la misère morale et de ses effroyables débordements. Ces deux femmes vivent dans le bien être, entourées de tout ce que les arts de luxe peuvent ajouter de raffinements à l’existence. Elles cultivent ce qu’on appelle l’idéal ; elles sont jeunes, belles, délicieuses ; elles savent écrire, peindre, chanter, dé-