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ÉVOLUTION HISTORIQUE

votre pitié tourne à la sympathie ; vous vous sentez fasciné par elle, saisi du démon qui l’obsède. Vous voudriez, au prix de tout votre sang, éteindre l’incendie qui la consume. Fuyez, si vous tenez à votre liberté, à votre dignité d’homme ; si vous ne voulez que cette Circé fasse de vous une bête.

L’autre est blonde, assise, semblable à un buste de marbre. Elle parle cependant ; elle s’entretient tout haut avec elle-même ; sa compagne ne l’écoute pas. Elle aussi poursuit sa chimère, chimère non d’amour, mais de froide ambition. Pourquoi ne serait-elle pas un jour princesse, comme tant d’autres, femme tout au moins d’un archimillionnaire ?N’a-t-elle pas la jeunesse, la beauté, l’esprit, les talents ?Serait-elle déplacée dans une haute position ? Elle vaut bien sa pareille. Personne d’ailleurs ne pourra dire qu’il l’a épousée sans dot ; elle a recueilli déjà ; elle attend encore quelque chose ; elle a su augmenter sa fortune, bien suffisante pour une femme seule. Elle possède des actions et des titres de rente ; elle se connaît aux affaires et suit attentivement les cours. Elle ne joue pas : quelque sotte ! elle opère sur bonnes valeurs achetées à propos, et dont elle sait, avec non moins d’à-propos, se défaire. Oh ! on ne la prendra pas au dépourvu ; elle ne se fait pas d’illusions ; le fol amour ne la tourmente pas. Elle saura attendre : tout ne vient-il pas à point à qui sait attendre ? Bien différente de son amie, elle est maî-