Page:Proudhon - Du principe de l'art et de sa destination sociale.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
PAR LES ESSAIS DE M. COURBET

cela, d’en raisonner. On voit déjà que les artistes n’ont rien à redouter, pour leur considération personnelle et pour l’intérêt que méritent leurs ouvrages, des conclusions que je pourrai prendre.

Mais, me direz-vous, cette bienveillance générale ne saurait justifier votre présomption. Possible que celui qui n’est qu’artiste soit du tout inhabile à s’expliquer sur les choses qu’il est censé connaître le mieux ; mais tel pourrait joindre à la pratique de l’art les habitudes de l’esprit philosophique : c’est à celui-là qu’il appartient de prendre la parole. Quant à vous, vous manquez déjà à la première règle du sens commun, qui défend de parler de ce que l’on ignore. Étranger aux arts, n’ayant pas même lu ce qu’en ont écrit les Winckelmann, les Lessing, les Gœthe, vous êtes sans titre, incompétent.

J’avoue que l’apparence m’est défavorable. J’insiste cependant, et je proteste, tant en mon nom qu’en celui de l’immense majorité du public, qui me ressemble, contre cette fin de non-recevoir, pour deux motifs. Je suis, il est vrai, de cette innombrable multitude qui ne sait rien de l’art, quant à l’exécution, et de ses secrets ; qui, loin de jurer par une école, est incapable d’apprécier l’habileté de main, la difficulté vaincue, la science des moyens et des procédés ; mais dont le suffrage est le seul, en définitive, qu’ambitionnent les artistes ; pour qui seule l’art s’ingénie et crée. Cette