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ÉVOLUTION HISTORIQUE

qui, au déshabillé, ne la vaudraient certainement pas. Comment donc ne voyez-vous pas que ce qu’il y a ici de disgracieux, de répugnant même, et que vous ne savez pas seulement définir, est un effet de l’art, une préméditation du peintre ? Or il s’agit entre nous précisément de cela : à moins de dire que l’artiste n’a su ce qu’il voulait et ce qu’il faisait, je me demande, moi, quelle a été l’idée de Courbet en peignant cette figure, d’une vérité, d’un réalisme, si vous voulez, que rien ne surpassera jamais ? Vous êtes-vous seulement posé cette question ?

On m’a raconté qu’au Salon de 1853, où la Baigneuse fut exposée pour la première fois, l’impératrice Eugénie venait de voir le tableau, si justement applaudi, de mademoiselle Rosa Bonheur, le Marché aux chevaux. On avait eu soin de faire observer à Sa Majesté Impériale, Andalouse, comme on sait, d’origine, qu’elle ne devait pas juger de nos races chevalines d’après celles de son pays, et que ce qui faisait le principal mérite du Marché aux chevaux, ce qui le rendait intéressant pour l’amour-propre national, c’était la fidélité avec laquelle l’artiste avait su rendre la plus belle de nos races, la race percheronne. Ceci, soit dit en passant, prouve que, dès 1853, Courbet n’était pas le seul peintre réaliste que nous eussions ; qu’il y en avait d’autres qui, sans négliger l’idéal, cultivaient le réel, et, sans s’en douter le moins du monde.