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ÉVOLUTION HISTORIQUE

n’y arien compris. Mais laissons ces gens à leurs imaginations aussi absurdes, aussi laides qu’elles sont indécentes.

Courbet, qui n’a pas vu les dieux, qui ne connaît que les hommes, excelle à rendre la beauté physiologique, au sang riche, à la vie puissante et calme ; beauté qui, représentée et fixée par l’art, produit sur les sens un effet analogue à celui de la beauté idéale des statues grecques. C’est que la vérité est aussi un idéal, qui par lui-même nous affranchit des titillations de la chair et des orages de la concupiscence, et qu’une imagination dépravée peut seule rendre dangereux. Quelle magnifique créature que cette fileuse,. et comme elle dort ! Le fil est tombé de sa main ; on croit entendre sa respiration lente à la place du bourdonnement du rouet. Tous les jours elle se lève de grand matin ; elle se couche la dernière : ses fonctions sont multipliées son action incessante, pénible : c’est aux instants perdus qu’elle prend sa quenouille, travail minuscule dont la ténuité et le petit bruit ne sauraient tenir éveillée la robuste campagnarde.Comprenez-vous maintenant pourquoi Courbet a fait de sa fileuse une franche paysanne ? Sans cela elle serait à contre-sens ; je dis plus, elle tomberait dans l’indécence. Il y a beau temps que les châtelaines ne filent plus ; les bourgeoises n’ont jamais filé ; les ouvrières des grandes villes n’ont pas même appris ; on a bâti des filatures qui les en dispensent ;