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ÉVOLUTION HISTORIQUE

et l’observation philosophique. Dans ces conditions, l’œuvre de l’artiste ne peut, sous prétexte de noblesse ou de grossièreté, rien exclure ; elle embrasse dans son cadre, illimité comme le progrès lui-même, toute la vie humaine, heureuse et malheureuse, tous les sentiments, toutes les pensées de l’humanité.

Quoi ! vous parlez d’idéal, et votre idéalisme, impuissant à faire parler la nature, ne repose que sur les chimères de votre imagination, sur les abstractions de votre esprit et les ébullitions impuissantes de votre cœur ! Car, enfin, vos dieux, vos saints, vos grands hommes, tous ces personnages historiques, féeriques, dramatiques, allégoriques, romanesques et chevaleresques, tous ceux même, plus voisins de la réalité, que vous faites figurer dans vos paysages, vos marines, vos tableaux de genre, qu’est-ce que tout cela, sinon imagination, abstraction, chimère, bien plus, aveu d’impuissance ? Vous parlez d’invention, de création, de liberté ! et vous n’avez jamais fait que vous traîner à la suite des mythologues, des théosophes, des poëtes, des romanciers, des fabliaux, des historiographes, comme si l’art n’existait que pour illustrer la révélation, l’épopée, la comédie ou l’histoire ; comme si l’artiste était incapable de penser par lui-même, de choisir ses types, de produire ses idées !

Comment ! vous avez devant vous des hommes, vos compatriotes, vos contemporains, vos frères, des êtres